Suite de l'interwiew avec Jordan Rudess

Un article de Dreamologie.

Jump to: navigation, search
Jordan Rudess
Agrandir
Jordan Rudess
A cette époque, j'habitais Woodstock, qui est assez loin de New-York. J'ai donc tout de suite déménagé et c'est à peu près au même moment que j'ai été embauché par Korg, le fabricant de claviers. J'ai également rencontré Jan Hammer, un artiste new age, qui avait composé la musique de " 2 flics à Miami ". Il a également fait partie de Mahavishnu Orchestra. Notre rencontre s'est produite à l'occasion d'une démonstration que je faisais pour Korg. Ma femme a rencontré Jan et l'a incité à venir me voir. C'était au Namm (ndr : le principal salon de musique des USA). Dix mois plus tard, lorsque Jan et Tony Williams (ndr : célèbre batteur noir américain) sont partis en tournée, Jan m'a demandé de les accompagner. Il voulait que je m'occupe de jouer le chef d'orchestre, afin qu'il puisse se concentrer sur ses solos de claviers. Ce fut une expérience formidable de jouer avec eux. Et très sincèrement, je n'ai pas réalisé sur le coup avec qui j'étais en train de jouer. Jan est une de mes idoles et Tony Williams certainement l'un des plus grands batteurs de tous les temps. Nous avons d'ailleurs joué en tête d'affiche du Montreux Jazz Festival. Le Paul Winter Consort a également pris une place importante dans ma vie. J'ai apprécié de jouer dans toutes les parties du monde avec eux. C'est une merveilleuse famille musicale, faite de plein de branches. Ca a commencé quand le violoncelliste Eugene Freisen est venu dans mon studio, s'est branché et que nous avons jammé. Voilà une bonne partie de mon histoire...


Je crois que tu as également joué avec Annie Haslam, la chanteuse de Renaissance?

Exact. Il faudrait que je m'achète des barrettes de mémoire (rires). Heureusement que d'autres personnes se souviennent de ce que j'ai pu faire. En fait, une de mes premières expériences professionnelles a été de jouer dans un groupe du nom de Speedway Boulevard. C'était un groupe monté de toutes pièces, avec un gros contrat à la clef, par les compositeurs du titre " Black betty ", popularisé par Ram Jam. L'album est sorti, et la maison de disques, comme cela arrive souvent, s'en est totalement désintéressé. On le trouvait absolument partout, mais ça n'a pas marché. Ensuite, j'ai rencontré Annie Haslam, pour qui j'ai écrit quelques chansons. C'est Tony Visconti, qui a bossé avec les Moody Blues et David Bowie, qui me l'a demandé. J'ai donc écrit et joué quelques titres sur l'album " Blessing in disguise ". Et récemment, toujours grâce à Tony Visconti, j'ai fait quelques sessions pour David Bowie, au piano et non au synthé. " Skylight ", un des titres de cette session, devrait se retrouver sur une bande originale de film. Cela ressemble à du vieux David Bowie, et c'est franchement un très bon titre. J'ai également enregistré " Mother ", toujours au piano, pour un tribute à John Lennon produit par Yoko Ono.


Tu sembles vraiment t'intéresser à tous les styles de musique...

Disons que, comme tu as pu le constater hier soir (ndr : la veille, Jordan avait interprété avec Pierre Bensusan et un choeur d'enfants, une sorte d'opéra pour guitare, clavier et choeur d'enfants), j'aime faire des choses très différentes et l'une des choses dont je suis le plus fier est ma collaboration avec Jeff Mc Bride, un magicien très connu aux USA. J'ai composé plusieurs musiques pour ses spectacles. Et même lorsqu'il passe à la télé, il utilise mes compositions en fond sonore. Nous sommes actuellement en discussion avec lui, Rod (ndr : Morgenstein) et moi, car il serait vraiment le frontman ultime et nous aimerions faire des concerts avec lui. Je travaille également pas mal avec Paul Winter. C'est un artiste qui a gagné un grammy award il y a 2 ans, dans la catégorie " meilleur album de new age ". Cela fait un moment qu'il est sur le devant de la scène et il a vendu énormément de disques. J'ai joué du synthé sur l'album qu'il a fait l'an dernier avec une chanteuse celte. J'aime bien travailler avec les musiciens new age. C'est très différent de Dream Theater ou Liquid Tension Experiment, mais c'est très intéressant.


Préfères-tu jouer au sein d'un groupe ou être en solo ?

J'aime les deux. Ce que je fais avec Rod est probablement ce que je préfère et le meilleur reflet de ma personnalité. Ce que j'aime par dessus tout, c'est jouer du piano et du rock progressif, et avec Rod je peux faire les deux. C'est très intense, tant au niveau du jeu que de la programmation. Avec LTE, je suis tellement fan de guitare, dont je joue un peu, que je prend un plaisir fou à écrire des riffs, rien que pour le plaisir d'entendre John Petrucci les jouer. Les riffs sont une chose impossible à jouer au clavier, il n'y a vraiment que la guitare pour rendre toute la puissance de certaines parties. Et John est un guitariste absolument époustouflant. Jouer avec lui, faire des duels de solos, est vraiment très excitant. Mais j'ai vraiment conscience que dans un groupe de rock, la guitare l'emportera toujours sur le clavier. C'est dur, mais c'est comme ça !


Tu aimes le progressif, mais penses-tu qu'un jour tu pourrais jouer dans un groupe de métal pur et dur ?

Oui, mais seulement si j'étais guitariste ! (rires)


Passons un peu à des questions un peu techniques. Pourquoi apprécies-tu particulièrement les claviers Kurzweil ?

Parce qu'ils offrent beaucoup de puissance et sont les seuls à pouvoir rendre ce que j'ai en tête. Il n'y a rien que je ne puisse pas faire avec mon Kurzweil. Il présente une combinaison parfaite de sons samplés et de sons synthétisés, et offre ainsi des possibilités illimitées. On peut enregistrer des instruments, une voix, et ensuite jouer toute la gamme à partir d'un simple échantillon. Ce n'est pas simplement un sampler. Et Kurzweil m'offre également un job, donc c'est parfait ! J'ai trouvé un instrument que j'adore et la boîte qui le fabrique souhaite que je bosse pour eux. Que demander de plus ?


Comment fais-tu pour obtenir ces sons de guitare si réalistes ?

Cela peut se faire de deux manières : d'une part en utilisant un ruban, inspiré de celui du Yamaha CS80, que nous avons remis au goût du jour. Chris Margarano m'a montré comment m'en servir et en travaillant avec lui, j'ai développé mon propre style. C'est parfait pour reproduire l'effet du vibrato. J'utilise également une " pitch wheel ", et je combine les deux. Il est difficile d'avoir un excellent vibrato avec la seule " pitch wheel ". Tu peux également utiliser une molette de modulation, mais tu as moins de contrôle qu'avec un vibrato.


Tu utilises un modèle Kurzweil 2500 standard ou l'as-tu un peu trafiqué ?

Non, j'utilise un modèle absolument standard. C'est un 2500, 88 notes, avec tous les sons pré-programmés existants. La " pitch wheel " est standard. Ce n'est pas comme sur une batterie ou une guitare où tu as tes propres réglages et modifications. Certains claviéristes ont trafiqué leur instrument, mais ce n'est pas mon cas. Tout ce que je fais, je le fais avec un modèle standard. J'aimerais bien avoir mon propre modèle signature, ainsi qu'une pédale d'effet, mais ce n'est pas le cas. Cependant, dans la mesure où je bosse pour Kurzweil, que je leur fais des observations et des recommandations, je crois pouvoir dire que certaines améliorations du modèle 2500 sont la conséquence de mes remarques. J'ai vraiment une relation très particulière avec Kurzweil, ce qui m'autorise à leur faire part de tout ce que je pense. Ils m'impliquent vraiment dans la conception et l'évolution des modèles. C'est très important pour moi.


Voilà, c'est terminé. J'espère que cette longue interview en deux parties vous aura permis de faire mieux connaissance avec la tête pensante de Liquid Tension Experiment. Pour finir, voici quelques informations sur les disques solos de Jordan. Seulement les disques solos car cela aurait été trop fastidieux de référencer toutes ses participations...


Jordan Rudess
Agrandir
Jordan Rudess
Listen (93 - Invicible Recordings)

Le premier album solo de Jordan... et surprise, 10 des 11 titres sont chantés, souvent en duo par Jordan lui-même et Barbara Bock. L'ensemble est assez pop, mais on décèle au détour de titres somme toute assez ordinaire, un talent qui l'est moins. Le Rudess Morgentein Project reprend d'ailleurs en live "It's A Mystery", qui s'avère être un petit chef d'œuvre.
" Le moment était venu d'enregistrer mon premier album solo. J'ai rencontré Liv Khalsa de Invincible Records, qui m'a offert l'opportunité de créer " Listen ". Enfin, la musique qui me trottait dans la tête depuis plusieurs années pouvait se trouver exprimée ".



Jordan Rudess
Agrandir
Jordan Rudess
Secrets Of The Muse (96 - Key Wiz Music)

Changement de style avec cet album new age, entièrement instrumental, qui met en valeur l'incroyable dextérité de Jordan et son sens de la mélodie hors du commun. On est très loin de Liquid Tension Experiment et même si les mauvaises langues pourront qualifier ce " Secrets of the muse " de musique d'ascenseur, cet album est vraiment superbe.






Jordan Rudess
Agrandir
Jordan Rudess
Rudess Morgenstein Project (97 - Domo Records)

Là, on attaque les choses sérieuses, avec un disque instrumental claviers / guitare, qui a mis tout le monde d'accord. Les deux compères Rod et Jordan sont des monstres, et l'interprétation live de ces titres est à tomber par terre. Les fans de Dream ne s'y sont d'ailleurs pas trompés, eux qui sont très exigeants et qui ont pourtant réservé un véritable triomphe, absolument tous les soirs, à la performance des deux compères en première partie Dream Theater aux USA en décembre 96 et en Europe en avril et juin 98. Les fans présents au concert de Strasbourg voient bien de quoi on veut parler... Ce disque est donc un chef d'œuvre, une révélation, et avec lui Jordan s'affirme comme l'un des meilleurs claviéristes du moment, ce qui sera confirmé quelques mois plus tard avec la sortie du premier album de Liquid Tension Experiment.