Interview avec John Myung

Un article de Dreamologie.

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Interview avec John Myung

John Myung portant un t-shirt Your Majesty
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John Myung portant un t-shirt Your Majesty

Ce n'est pas sans une certaine fierté que Your Majesty se félicite d'honorer une autre de ses trois résolutions pour l'année 2002, à savoir pouvoir vous proposer enfin une interview de John Myung. L'homme, toujours aussi discret et n'aimant toujours pas plus les interviews (cf. magazine : Guitar And Bass de mars), a cependant accepté sans aucune difficulté de rompre le silence pour Your Majesty. Il est à noter que c'est la seule véritable interview qu'il a accepté au cours de la tournée européenne… Ce qui montre la considération de John pour les fans. Bien sûr, les questions que nous voulions poser à John étaient très nombreuses, puisque la dernière fois que nous avions eu John dans Your Majesty, c'était dans le numéro 20 (troisième trimestre 1998!), et c'était une interview commune avec Derek Sherinian et Rod Morgenstein à propos de Platypus… Comme John parle vraiment lentement et prend le temps de choisir ses mots, les trente minutes de discussion que nous avons eu n'ont pas permis de poser toutes les questions envoyées par les fans. Il a donc fallu faire un tri, et le résultat est tout de même intéressant puisqu'il lève un coin du voile sur le mystère John Myung…

Your Majesty : Comment situerais-tu votre dernier album, Six Degrees Of Inner Turbulence, par rapport au reste de votre discographie ?

John Myung : Pour ma part, je trouve que l'ambiance dans laquelle nous avons écrit cet album possède la même magie et la même osmose au sein du groupe que pour Images And Words ou Awake. J'en suis vraiment heureux car ce sont nos albums que je préfère.

Est-ce que tu as contribué à l' "inspiration corner" initié par Mike ?

Non, je n'ai pas amené d'album pour ma part…

Mais est-ce que tu trouves que c'est une bonne idée ?

Oui, vraiment. Cela nous aide beaucoup, parce que ça nous permet de savoir dans quelle direction nous allons. Ces disques nous permettent de définir des points de référence, qui nous évitent de nous égarer pendant l'écriture. Bref, tout le processus d'écriture de l'album s'en trouve grandement facilité.

Est-ce que tu étais complètement ouvert aux nouvelles idées de Mike et John ? Je pense notamment à l'inspiration très heavy qu'ils ont eu après être allé voir Pantera la veille de rentrer en studio…

Ho oui… Je me souviens en train d'écouter John dans le studio, jouant des riffs qui allaient devenir ceux de "The Glass Prison" et lui dire : "j'aime vraiment ce que tu es en train de jouer…". J'étais vraiment complètement partant dès le début.

Je me souviens que vous aviez pris des cours de musique ethnique. On pouvait voir sur Internet des petites vidéos des membres de Dream Theater frappant dans leurs mains…(sourires de John). Finalement, est-ce que tu regrettes que le groupe ait laissé tomber cette idée ?

Ho non, je préfère largement la direction que nous avons prise…

(copyright photo : Sébastien Demay)
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(copyright photo : Sébastien Demay)

Très bien... Peux-tu rappeler quels sont tes groupes favoris et quels sont ceux que tu as découvert récemment ?

Mes groupes favoris n'ont guère changé : Rush, Yes… Il y a un groupe que j'ai découvert récemment et que j'adore, c'est Tool. Leur son aussi me plaît énormément.

Je sais que tu cherchais au Virgin Megastore, à l'occasion de la dédicace à Paris, des albums du bassiste suédois Jonas Hellborg. Cela m'a interpellé, parce que j'ai tous ses disques et je l'admire énormément. Que penses-tu de lui ?

C'est tout simplement un très grand bassiste et j'aimerais beaucoup me pencher sur l'étude de son style, cette année j'espère…

Très bien… Est-ce qu'il y a une raison particulière au fait que tu n'aies pas écrit de paroles pour votre dernier album ?

J'en avais l'intention au départ, mais je ne suis pas senti très motivé en fait. Il s'est passé beaucoup de choses dans vie privée récemment… J'ai déménagé, ma femme et moi avons eu un bébé… J'ai eu d'autres préoccupations qui, ajoutées à l'enregistrement de l'album, ne m'ont finalement pas laissé l'opportunité d'écrire des paroles. En fait, ce n'était plus vraiment une priorité. Néanmoins, c'est un moyen d'expression auquel je suis très attaché et je compte me rattraper à l'avenir.

Il y a une seule chose qui a changé depuis Images And Words chez DT, c'est le claviériste. Comment évoquerais-tu leurs différences, ou que t'inspirent les souvenirs que tu peux avoir de Kevin et Derek, par rapport à Jordan ?

Kevin avait une formation classique… Il était… (hésitant, cherchant longuement ses mots). C'est vraiment difficile, je ne pense que je puisse répondre à cette question. C'est délicat d'arriver à m'exprimer sans que l'on puisse mal interpréter mes propos.

Je te comprends. Mon but n'était vraiment pas de poser un piège, mais tu as raison, évitons tout malentendu. Faisons une petite parenthèse, avec un petit jeu que nous avons initié avec Jordan. Même si tu ne crois pas en la réincarnation, si les autres membres de DT devaient un jour se réincarner, sous quelle forme (personne, animal, chose…) les verrais-tu ?

(Extrêmement embarrassé) Je n'en ai aucune idée… (désespéré). Vraiment je ne saurais pas répondre, j'en suis désolé…

Ca n'a rien de grave ! Je te donne la réponse de Jordan : il te verrait bien te réincarner en médium…

(Eclatant de rire - toutes proportions gardées) Non ? C'est amusant…

Revenons à quelque chose de plus sérieux. DT a atteint un certain niveau de succès : vous jouez dans des salles de plus en plus grandes, vous vendez confortablement un demi-million d'exemplaires à chaque album dans le monde… Comment vis-tu cette reconnaissance ?

Je suis tout simplement chanceux de faire partie de cette belle aventure qui marche bien pour DT… J'apprécie pleinement ce qui nous arrive parce que ce n'est pas arrivé du jour au lendemain. Nous avons commencé il y a 17 ans, et notre reconnaissance s'est bâti lentement. C'est beaucoup plus gratifiant se voir que nous avons une véritable carrière, et non pas un succès énorme et éphémère comme d'autres groupes. Je suis vraiment reconnaissant envers tous les fans qui achètent nos disques.

Tu as enregistré deux disques de Platypus et, plus récemment, The Jelly Jam (même line-up que Platypus mais sans Derek Sherinian). Que t'ont apporté ces side-projects dans lesquels tu t'es vraiment investi ?

J'ai pu me rendre compte que je pouvais aussi travailler avec d'autres musiciens. C'est également très appréciable de pouvoir aller en studio et laisser s'exprimer toute l'inspiration venue au cours des mois passés. Le processus de composition est vraiment facile dans ces conditions. Il est capital pour moi de pouvoir exprimer mes idées dans ce genre de contexte, sinon cette inspiration finirait par disparaître.

Apparemment, tu apprécies vraiment Rod Morgenstein et Ty Tabor, puisque tu as fait deux albums de Platypus avec eux, et tu continues avec The Jelly Jam, dont vous avez d'ailleurs déjà attaqué le deuxième album. Vous vous entendez si bien que ça ?

Ho oui, il y a vraiment une excellente entente… Pour Jelly Jam, nous nous sommes réunis chez Ty Tabor en octobre, après avoir fini le nouvel album avec Dream Theater. Nous nous sommes installés avec Rod dans son salon, et nous avons joué toutes nos idées en jammant pendant quelques jours. Nous avons ainsi facilement composé quelques titres, puis nous sommes allés en studio. Le tout a pris deux semaines. Ce deuxième album de The Jelly Jam sortira sans doute en 2003.

Magna Carta sortira en avril le deuxième album du projet Explorer's Club de Trent Gardner. Tu as assuré toutes les parties de basse. Comment est-ce que cela s'est passé ? Est-ce que tu as pu jouer avec Terry Bozzio ?

Trent m'a envoyé des bandes, et m'a donné pour seule consigne de jouer ce que j'avais envie. J'étais totalement libre. Ce n'était donc pas du tout interactif mais cela me convenait car c'était une manière totalement différente de travailler pour moi, donc c'est toujours intéressant. Je n'ai pas du tout rencontré Terry Bozzio hélas, j'aurais bien entendu aimé joué avec lui pour de vrai.

Est-ce qu'il y a d'autres batteurs avec qui tu aimerais jouer, dans l'idéal, même si ce n'est pas possible ?

Non, il n'y a personne en particulier…

(copyright photo : David Koblentz) John Myung (de dos), Rod Morgenstein et Ty Tabor dans le salon de ce dernier (écriture de The Jelly Jam 2)
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(copyright photo : David Koblentz) John Myung (de dos), Rod Morgenstein et Ty Tabor dans le salon de ce dernier (écriture de The Jelly Jam 2)

Est-ce que tu penses faire un jour un album solo ?

Je n'en sais rien, mais si cela me permet d'exprimer quelque chose de différent, quelque chose que je n'ai jamais fait auparavant, alors je serai partant. Je ne me vois pas en faire un prochainement en tout cas. On verra…

A propos, sais-tu chanter ?

(sans hésiter) Non…

Nous nous posions la question, parce que dans le groupe, il n'y a que Jordan et toi qui ne faites pas de chœurs, et nous savons aussi que Jordan aimerait bien chanter un peu… Personnellement, je ne suis vraiment pas un chanteur.

Certes, mais Mike non plus et il n'arrête pas… !

(avec un grand sourire) Je vois ce que tu veux dire…

Passons aux questions plus orientées sur la basse… Comment décrirais-tu les caractéristiques de ton propre son ?

J'ai toujours aimé un son avec un peu de distorsion, à la manière d'une guitare électrique. A chaque album, j'ai changé de son. J'ai essayé beaucoup de micros et d'amplis. Ce que j'en ai conclu, c'est que beaucoup sont parfaits pour la scène, mais pour l'enregistrement en studio, c'est une autre histoire. Et lors de la tournée précdente, j'ai eu la chance d'avoir un technicien basse qui avait été celui de Geddy Lee sur la tournée de Test For Echo. Il m'a alors parlé d'une marque, Demeter, dont Geddy avait utilisé le matériel. Après la tournée, je suis allé sur leur site web (ndlr : http://www.demeteramps.com) et je les ai appelé pour passer commande de leurs pré-amplis à tube. J'ai eu une longue et intéressante discussion avec le patron, James Demeter, qui m'a expliqué pourquoi leur matériel était un des meilleurs qu'on pouvait trouver. J'ai donc appris au cours des années passées que le matériel pour les concerts et l'enregistrement étaient de qualité très différente. En fait, j'emmène dorénavant en tournée mon matériel de studio.

Tu as slappé pour les premières fois sur Falling Into Infinity et Scenes From A Memory. Que penses-tu de cette technique ?

J'aime beaucoup, c'est une technique qui vient de façon très naturelle quand on fait de la basse. C'est une technique que je désire approfondir, mais je ne peux pas le faire en tournée ou en studio.

C'est peut-être une technique difficile à placer dans les compositions de Dream Theater…

Je ne crois pas… si j'étais vraiment bon dans ce domaine, je pourrais trouver une manière de le faire. C'est juste un langage complètement différent, que je n'ai pas encore beaucoup étudié.

Si tu arrives à étudier le style de Jonas Hellborg cette année, tu vas voir que niveau slap, c'est coton…

Ha oui ? J'espère vraiment avoir le temps d'essayer cette année…

Est-ce que tu penses qu'il y aura un jour des relevés de tablatures officielles de tes parties de basse des albums de Dream Theater ? Non, je ne pense pas. Le marché de la basse est toujours moins populaire que celui de la guitare. D'ailleurs, je ne le comprends pas, car tout guitariste a besoin d'un bassiste. Mais tu sais quoi ? Je crois qu'en fait, le meilleur moyen d'apprendre, c'est d'écouter. Non seulement tu peux arriver à déchiffrer quelles notes sont jouées, mais surtout comment elles sont jouées. C'est encore plus important.

Sur ton site web, on peut te voir avec une nouvelle basse, qui a notamment un seul micro. Est-ce ton futur nouveau modèle ?

Oui, c'est un prototype. Je travaille sur de nouveaux sons. Il pourrait être prêt et sortir l'an prochain.

Est-ce que tu as déjà envisagé de faire un solo de basse pendant une tournée de DT ? (réfléchissant intensément) …

Est-ce que tu penses que c'est un exercice de style intéressant ?

Oui, je pense que c'est cool. C'est juste que ce n'est pas une envie qui m'est venue naturellement encore.

Tout à l'heure, tu disais qu'il t'arrive souvent d'avoir du mal à apprendre des parties composées par John. A l'inverse, est-ce que tu as déjà composé des passages qui ont donné du fil à retordre à tes collègues ?

(réfléchissant quelques secondes) Heu.. non ! (rires).

Est-ce que tu es encore impressionné par les capacités techniques des autres membres du groupe ?

Est-ce qu'ils m'impressionnent encore ? Ho oui, constamment… A chaque album, ils repoussent leurs limites, et je me dois de suivre, mais… ce n'est vraiment pas évident. "The Glass Prison" est le premier titre que nous avons composé, et je ne le trouve toujours pas simple à jouer. Il exige un très bon échauffement… c'est dur, tout simplement.

Quelles sont pour toi les parties de basse les plus difficiles à jouer dans les titres de DT ?

Je dirais que tout le titre "Six Degrees Of Inner Turbulence" est vraiment le plus gros challenge qu'il m'ait été donné à jouer à la basse. "The Great Debate" est également très difficile, d'un point de vue de l'endurance.

Habituellement, la plupart des gens pensent que la fin de "Metropolis Part.1" ou "The Dance Of Eternity" sont les passages les plus délicats…

Non, pas en comparaison avec les deux titres que j'ai cités…

Est-ce que tu te souviens de fois où tu as vraiment fait une grosse erreur sur scène ? Est-ce que cela arrive seulement ?

Oui… mais en général ce sont des notes très rapides, donc je ne pourrais te citer des passages en particulier. Donc j'espère que personne ne le remarque (rires).

Je crois que tu n'as pas à t'inquiéter… si on te pose la question, c'est parce qu'on a justement l'impression que tu n'en fais pas.

Tout va bien alors… (sourires)

Est-ce que tu préfères être en studio ou en tournée ?

J'apprécie les deux. En studio, on crée, j'aime ça. En tournée, on peut alors tester les nouveaux titres, on a un retour sur notre travail. J'aime aussi beaucoup l'excitation qu'il y a à monter sur scène.

Est-ce que tu n'en as pas marre parfois de faire des tournées aussi longues ?

Non, mais c'est assez dur. Tous les rythmes de la vie quotidienne changent : le sommeil , les repas… il devient très facile de tomber malade. Je n'en ai pas marre, mais ça peut être assez pénible.

Merci beaucoup d'avoir accepté de répondre à nos questions. Nous allons te laisser préparer le soundcheck. Une dernière question : est-ce que tu as un message à faire passer aux fans ?

C'est un message standard, mais c'est vraiment ce que je pense. Merci de continuer à acheter nos disques, merci de venir si nombreux à nos concerts, merci de nous donner la possibilité de vivre de cette musique. Je vous suis très reconnaissant.


PS : merci aux abonnés de la mailing list pour leur contribution aux questions de cette interview, et en particulier aux bassistes Damien Charbonneau, Lilian Gourichon, Vincent Rémon et Olivier Savéan.