Entretien avec Mike Portnoy

Un article de Dreamologie.

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Ca faisait longtemps qu'on ne s'était pas entretenu avec Mike Portnoy ! Au moins... 6 mois ? Mais bon, comme on aime bien discuter avec Mike, et que l'actualité justifiait pleinement que l'on aille s'enquérir des nouvelles du groupe, c'est entre Paris et Nancy, où il allait faire un clinic, que nous avons eu une longue conversation à propos du nouvel album, du futur de Dream Theater, mais aussi de son passé.


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Mike Portnoy (feuilletant le n°50 de Hard Rock Magazine) : Waouh, le Blair Witch CD. C'est mon film préféré de cette année. Je l'ai vu deux fois, et c'est franchement excellent.


Your Majesty : Tu as donc le temps d'aller au cinéma, malgré ton emploi du temps hyper chargé ?

Mike Portnoy : J'ai le temps d'aller voir les bons films. Cet été, je ne suis allé voir que Blair Witch Project 2 fois, Eyes wide shut 2 fois et Star Wars. Mais bon, ce n'est pas le sujet de l'interview. On y va.


YM : Beaucoup de gens pensent que vous abordez la musique plus comme des mathématiciens que comme des musiciens ? Qu'en penses-tu ?

MP : C'est effectivement une des facettes de notre groupe... si tu n'écoutes que " Erotomania ", " Ytse jam " ou " Metropolis : part 1 ". Nous essayons de faire une musique très technique, mais ce n'est qu'un des aspects de Dream Theater. Car sur notre dernier album, " The spirit carries on " ou " Through her eyes " sont des chansons beaucoup plus émotionnelles, et vraiment pas mathématiques ! Nous essayons de trouver un équilibre entre la musique qui vient de l'esprit et celle qui vient du cœur. La technique et l'émotion sont les deux éléments qui permettent de faire une musique touchante et intéressante, selon moi.


YM : Mais tu ne penses pas que cela puisse vous desservir d'être perçus comme des gens très froids, qui ne regardent la musique que d'une seule manière ?

MP : Non... Comme je viens de le dire, la technique n'est qu'une caractéristique de notre musique. Si tu fais une K7 avec nos morceaux les plus longs et les plus progressifs, il est clair que les gens vont penser que nous sommes des machines à calculer... Mais si tu fais une autre K7 avec " Anna Lee ", " The silent man " et " Through her eyes ", ils ne seront pas impressionnés du tout et penseront que nous sommes plutôt un groupe dans la veine de U2. C'est vraiment faux de penser que nous ne sommes intéressés que par la technique et la performance instrumentale. Quant à prouver aux gens que nous savons nous amuser, est-ce vraiment l'essentiel? Ceux qui nous connaissent ont leur petite idée sur la question.


YM : Comment avez-vous attaqué ce nouvel album. Avez-vous changé votre manière de composer ?

MP : Absolument, à 100%, et ce pour différentes raisons. La première d'entre elles, c'est que pour la première fois nous avons composé en étant en studio. John Petrucci, Jordan Rudess et moi avions procédé de la sorte pour les deux albums de Liquid Tension Experiment, et ça avait été magique. Notre musique était vraiment neuve et vivante. Nous avons donc voulu appliquer cette recette, rechercher cette alchimie, avec Dream Theater. Ensuite, nous avons composé un album concept, ce que nous n'avions encore jamais fait. C'était pour nous comme écrire une chanson géante de 77 minutes, divisée en différents chapitres. Nous avons toujours composé de la sorte, mais les bouts étaient beaucoup plus petits. Cette fois-ci, nous avons du travailler sur un morceau à très grande échelle, et c'était un peu comme faire un film, plutôt que plusieurs épisodes d'un sitcom. Ecrire un concept album était un challenge énorme pour nous, que nous avions en tête depuis longtemps. Nous avons enfin réussi à le faire.


YM : Combien de temps vous a pris l'ensemble de la composition ?

MP : Nous nous sommes mis au travail en février. Nous avons composé jusqu'à la fin mai. Nous avons pris entre temps un mois de repos, pour que je puisse m'occuper de mon fils qui est né en mars. Après avoir terminé la musique, nous avons pris quelques semaines de vacances et nous avons écrit des paroles chacun de notre côté. Nous nous sommes retrouvés fin juin pour compléter les textes et enregistrer les vocaux. Juillet et août ont été consacrés au mixage.


YM : Etait-ce facile de créer un concept album en studio, sans avoir réfléchi à l'histoire avant ?

MP : En fait, John Petrucci et moi avions une idée plus ou moins précise avant. Nous savions que nous voulions faire un album concept, et que ce serait " Metropolis : part 2 ". Pendant l'enregistrement du deuxième album de Liquid Tension Experiment, John et moi avons énormément discuté de ce nouvel album. Et c'est marrant, car Jordan assistait à certaines de nos conversations, alors qu'il n'était pas encore dans le groupe. Musicalement, nous souhaitions reprendre ça et là des idées de " Metropolis : part 1 " , et surtout ne pas nous limiter comme sur notre précédent album. Pour Falling Into Infinity, nous étions limités par notre maison de disques, par notre producteur. Cette fois, nous avons été libres et indépendants à 100%. Nous sommes allés aussi loin que possible. Pendant que nous écrivions la musique, nous discutions de l'histoire. Tout se mettait en place en même temps. Et rester en studio nous a permis de nous concentrer totalement.


YM : Penses-tu que le fait d'avoir travaillé sur divers projets, dont LTE, vous a aidé à acquérir cette indépendance ?

MP : C'était surtout notre maison de disques qui nous avait bridés sur Falling into infinity. Ils nous avaient mis la pression, notamment pour que nous travaillions avec des gens extérieurs et que nous leur fournissions des chansons pouvant potentiellement passer en radio. Et nous avions accepté ce challenge. Quelles que soient les conditions, chaque disque est un nouveau défi. Pour nous, être suffisamment ouverts pour travailler avec Kevin Shirley et accepter ses suggestions, ou travailler avec Desmond Child, n'était pas gagné d'avance ; et donc faire ce type de disque n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît. Je pense que nous avions sorti un album pouvant vraiment passer en radio, que nous avions rempli notre contrat. Une fois que notre maison de disques s'est rendu compte que ce passage en radio tant espéré ne s'est pas concrétisé, ils ont réalisé qu'il était peut-être préférable de nous laisser suivre notre propre voie, sans nous imposer quoi que ce soit. L'indépendance est venue de leur attitude. Ils nous ont payé le studio aussi longtemps que nous le souhaitions, sans entendre la moindre note avant que nous ne leur donnions le produit fini en août.


YM : Et en dehors de sa technique, que vous a apporté Jordan ?

MP : Jordan est très impliqué dans tous les aspects, à l'image de John Petrucci et moi. Nous sommes tous les deux crédités comme producteurs, mais Jordan a également contribué à l'ensemble. Il me rappelle Kevin Moore pour cela, car Kevin était également intéressé par d'autres aspects que son instrument. Mais sa plus grande contribution à ce premier disque avec nous se situe au niveau technique. Il n'a pas été impliqué dans l'écriture des textes, et également assez peu dans la composition des mélodies, mais musicalement, il nous a apporté beaucoup. Il utilise également des sons très innovants. Derek utilisait majoritairement des sons d'orgue Hammond, alors que Jordan recherche la modernité. Il programme pour Kurzweil, et joue beaucoup avec son séquenceur.


YM : Le titre " Home " sort en single. Pensez-vous faire une vidéo ?

MP : Pas pour l'instant, et je ne l'espère pas. Je pense que c'est une grande perte de temps et d'argent pour un groupe comme nous, car nous ne sommes pas calibrés pour MTV. Les vidéos sont, à mon avis, comme les bandes annonces des films. Cet album est comme un film, et on ne peut en donner une bonne image à l'aide d'un clip. J'ai adoré composer notre dernière vidéo longue durée, et j'espère pouvoir continuer à en faire d'autres de ce genre. Mais faire des clips que MTV ne passera jamais, cela n'est que pure perte. La version normale de " Home " dure 12 minutes, et la version single en fait 5. C'est déjà une hérésie. En plus c'est un concept album. La seule chose intéressante serait de tirer un film de notre album.


YM : Comme Brave, de Marillion ?

MP : Oui, comme Brave, ou comme Quadrophenia des Who, ou The wall, ou Tommy(Who). Tous mes concept albums préférés ont été déclinés en films.


YM : Justement, quels sont les albums qui vous ont inspiré ?

MP : Ceux que je viens de citer : The wall, Quadrophenia, Operation : mindcrime (Queensryche), Misplaced childhood (Marillion). Nous avions emporté en studio une large palette de concept albums, dont Amused to death (Roger Waters), Brave, ainsi que d'autres albums qui n'étaient pas des concept albums mais qui nous ont servi de base : OK computer de Radiohead, Dark side of the moon de Pink Floyd, Sergent pepper des Beatles. Simplement parce que ces disques étaient extrêmement audacieux. Nous voulions nous aussi faire un disque audacieux !


YM : N'as-tu pas peur que certains passages de ce nouvel album rappellent trop Pink Floyd ?

MP : Nous avons toujours été coupables de cela, d'afficher ostensiblement nos influences, que ce soit sur nos pochettes ou dans notre musique. Personne ne conteste que " The spirit carries on " est une chanson influencée par Pink Floyd, en particulier au niveau des vocaux et des choeurs. D'ailleurs, alors qu'elle n'avait pas encore de titre, nous l'appelions " le morceau Pink Floyd ". Nous ne nous en cachons pas... Nous n'essayons pas de sonner comme eux, ni de les voler. Mais il y a certaines ambiances ou certaines émotions que des groupes ont parfaitement assimilé, et quand tu essaies de faire ressortir ces mêmes émotions, elles s'expriment d'une manière similaire.


YM : Seras-tu d'accord avec moi si je te dis que ce disque est à la fois plus métal et plus progressif que vos précédents ?

MP : Totalement. C'est définitivement plus progressif, et notamment du fait de la présence de Jordan. Ses qualités techniques sont vraiment exceptionnelles, et il nous a tiré vers le haut. Nous avons donc essayé d'aller plus loin, de rendre les passages progressifs encore plus progressifs qu'auparavant. Et en travaillant avec " Metropolis : part 1 " comme base, cela nous a donné beaucoup de liberté. Quant à l'aspect métal, c'est notre nature même!


YM : Penses-tu que DT en général, et cet album en particulier, peut intéresser des gens qui ne sont pas musiciens ?

MP : Je le crois, oui. Je ne veux pas me répéter, mais The wall et Tommy ont été des succès énormes, et ont plu à beaucoup de gens notamment grâce à leur histoire. Metropolis : part 2 raconte une histoire forte, et les gens qui aiment les films apprécieront sans doute cet aspect là de notre disque. Nous avons vraiment soigné tous les détails de l'histoire et les textes. L'aspect musical est juste un bonus pour les gens qui aiment ce genre de récits.


YM : Ne penses-tu pas que parfois, il y a un peu trop de riffs différents, ou d'idées musicales différentes au sein d'une même chanson ?

MP : Si... Et c'est la spécificté de Dream Theater ! (rires) C'est notre marque de fabrique. Si nous voulions tout simplifier et jouer du rock basique, nous ne serions pas différents des Foo Fighters ou de AC/DC. C'est cela que nos fans apprécient, et qui nous différencie des autres groupes de métal. Nous sommes les premiers à admettre que nous sommes un peu trop axés sur la technique, même si notre musique n'est pas uniquement complexe.


YM : Vous vouliez garder cet album secret jusqu'à la dernière minute, jusqu'à sa sortie. Peux-tu nous dire pourquoi, et les difficultés que vous avez rencontrées ?


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MP : Les deux grands secrets que nous voulions préserver étaient 1- que cet album était un album concept 2- que c'était Metropolis : part 2. Les raisons pour lesquelles nous souhaitions garder cela secret étaient que si nous l'avions annoncé, il y aurait eu, pendant des mois et des mois, tellement de discussions et de spéculations, que lorsque l'album serait sorti, ça aurait été forcément une déception. En plus, nous pensons que c'est une excellent surprise pour nos fans de découvrir seulement en l'achetant que c'est Metropolis : part 2. C'est efficace, et certainement la meilleure manière pour que ce disque soit bien compris. Ceux qui en ont écouté des extraits sur internet ne peuvent se faire une idée juste de l'ensemble, car ils n'ont que des petits bouts, ils n'ont pas les paroles, etc. Alors que les textes sont cruciaux pour bien saisir l'ensemble. Nous avons essayé de leur offrir un ensemble à la hauteur de leurs espérances, à l'image de ce qu'a fait Stanly Kubrick avec Eyes wide shut, ou même l'ensemble de ses films, ou Woody Allen, ou George Lucas avec la série de Star Wars. Nous voulons préserver toute la fraîcheur, toute la surprise, tout l'impact de ce disque. Il y avait eu tellement de spéculations sur notre précédent album, du fait que nous donnions énormément d'informations en temps réel, qu'il n'y avait plus aucune surprise et que les gens ont été déçus. J'ai vraiment voulu éviter de recommencer cela. Quand en novembre dernier John et moi avons présenté notre idée de concept album aux autres membres du groupe, nous avons insisté pour que cette idée ne sorte pas de la pièce dans laquelle nous nous trouvions, y compris pour Derek qui était encore dans le groupe. Pendant la réalisation de ce disque, nous 5 avons réussi à tenir notre langue, mais à la minute où nous avons fourni l'album à notre label, il est devenu impossible de tout contrôler et d'éviter les fuites. Avec internet, c'est vraiment l'enfer!


YM : C'est ce qui est arrivé à George Lucas : une semaine après que Star Wars est sorti aux USA, on pouvait déjà le télécharger grâce à internet...

MP : Exactement... Et sans avoir la prétention de comparer notre album à Star Wars, il est clair que George Lucas n'a pas fait son film pour qu'il soit regardé sur un petit écran d'ordinateur. Je ne pense pas qu'il apprécie cela. Il l'a réalisé pour une diffusion sur un écran géant, avec un son THX, etc. Et c'est pareil pour nous. Nous voulons que ce disque soit écouté au casque, avec les paroles et le packaging complet. Heureusement, certains fans ont réussi à résister à la tentation d'aller le télécharger sur internet, pour l'écouter dans de bonnes conditions.


YM : John et toi avez produit cet album. Etait-ce quelque chose que vous souhaitiez faire depuis longtemps ?

MP : En ce qui me concerne oui. Mais les autres avaient toujours souhaité avoir quelqu'un d'extérieur au projet pour nous aider, ce que je peux comprendre. Mais cette fois, ils étaient convaincus que pour être en mesure de faire un tel disque, il nous fallait le faire nous-mêmes. Nous avons toujours participé à la production de nos précédents disques, mais là, nous nous sommes vraiment débrouillés seuls.


YM : Avez-vous fait l'album de vos rêves ?

MP : Oui, je le crois... J'ai toujours voulu faire un concept album. J'ai toujours voulu faire un album continu, sans blanc entre les titres, avec des effets sonores. Je n'ai jamais été pleinement satisfait de la production de nos précédents disques. Cette fois, vu que nous l'avons produit seuls, nous sommes complètement satisfaits de ce que nous avons réalisé.


YM : Vous allez effectuer une tournée en Europe en novembre. Que peut-on attendre de ces shows ? Allez-vous jouer l'album dans son intégralité ?

MP : Cette tournée est une tournée d'échauffement pour nous, une opportunité de présenter Jordan Rudess et de jouer avec lui, et donc nous n'allons pas interpréter l'album d'un trait dès novembre. Par contre, nous reviendrons en 2000 avec un show complet, avec une grosse production, et nous jouerons l'album dans son intégralité.


YM : Parlons un peu de tes projets... Tu es monté sur scène avec Spock's Beard la semaine dernière. Comment était-ce ?

MP : C'était fantastique. " Go the way you go " est l'une de mes chansons favorites, alors la jouer avec eux était merveilleux. Nous l'avons répété une fois au soundcheck, et c'était assez étrange, car je n'avais jamais joué avec eux. Une fois sur scène, cela m'a semblé très naturel. J'espère qu'ils vont tourner avec nous, et dans ce cas, je pense que je jammerai pas mal avec eux. Comme tout le monde le sait, Spock's Beard est un de mes groupes préférés des années 90, et je veux faire tout ce que je peux pour les promouvoir, pour leur permettre de se faire connaître. Et en plus, si on tourne avec eux, je pourrai regarder leur concert tous les soirs (rires).


YM : Et ton projet avec Neal, Pete Trewavas et Roine Stolt ?

MP : C'était une excellente opportunité de travailler avec des gens que j'admire. Neal est tellement talentueux ! A l'origine, Jim Matheos devait faire partie de ce projet à la place de Roine, car Jim est une des autres personnes que j'admire, pour sa créativité et ses talents de compositeurs. Mais bon, ça n'a pas pu se faire. Neal est la tête pensante de Spock's Beard, et Roine est celle des Flower Kings. C'était donc cool d'avoir cette rencontre entre deux personnes si créatives, et les faire collaborer. On s'est bien amusés, et je suis très fier de ce disque, qui est très différent de Dream Theater ou Liquid Tension. Nous nous sommes plus concentrés sur les chansons, et nous chantons tous les quatre. C'est un peu plus rétro, et pas du tout métal. Ca ressemble plutôt à Yes ou Pink Floyd. C'est donc intéressant de jouer un autre style.


YM : Revenons au nouveau Dream. Si c'est un échec et que vous n'en vendez que très peu, arrêterez-vous votre carrière ?

MP : Je ne sais pas si nous nous arrêterons, mais ce n'est pas exclu. Nous avons mis tout notre cœur et toute notre âme dans ce disque. C'est l'album de notre carrière, notre chef d'œuvre, et ce serait une très grande déception si toute l'énergie artistique que nous avons mise dedans passait inaperçue. Je crois que c'est vraiment un disque spécial, dont je suis très fier. Tous les concept albums que j'ai mentionnés plus tôt ont été des succès, non seulement d'un point de vue artistique, mais également d'un point de vue commercial. Quel triomphe d'arriver à concilier les deux! Si nous pouvions nous aussi conjuguer le meilleur des deux mondes, ce serait une grande victoire, et la satisfaction ultime. Ce serait également une grande leçon pour notre maison de disques. Nous leur avons donné le disque que les fans attendaient de nous.


YM : Je te propose maintenant un exercice assez difficile, qui consiste à noter vos albums, de 1 à 6. Commençons par When Dream And Day Unite...

MP : (riant) Oh là ! Ca va être difficile...


YM : Et essaie d'être honnête...

MP : Avant que nous commencions, je dois dire que ça va être difficile. Je devrais leur mettre 6 à tous, car après avoir fini chacun de ces disques, je leur aurais mis 6. C'est seulement quelques années plus tard que tu peux avoir un jugement plus réaliste. Sans anticiper, quand Falling into infinity est sorti, je pensais que c'était le meilleur disque que nous pouvions faire, et nous en étions très fiers. Avec deux ans de recul, c'est différent. Ceci étant dit, nous pouvons y aller. Je mettrais 3,5 à When dream and day unite. Je pense que les chansons étaient bonnes, que notre jeu était bon, mais quand je l'écoute aujourd'hui, je me rends compte que c'était un album d'apprentissage. Nous étions en plein développement, en tant que compositeurs et en tant que musiciens. La production n'est pas bonne, mais nous avions des restrictions budgétaires et temporelles. Et le chant de Charlie sonne très daté. Il y a quand même de bons moments sur ce disque, comme " The ytse jam ", " The killing hand " et " Only a matter of time ".


YM : C'était votre première expérience en studio...

MP : Nous avons appris avec ce disque. Nous nous retrouvions pour la première fois en studio, et nous avons appris beaucoup, surtout sur ce qu'il ne fallait pas faire, en terme de production, de promotion, etc...


YM : Images And Words ?

MP : Je mettrais 5,5... Euh non, 5. Pour beaucoup de gens, cet album est notre chef d'œuvre, mais je ne suis pas d'accord. C'était un super disque pour l'époque, mais il a lui aussi vieilli. On sent que c'est un album du début des années 90. La production, et celle de la batterie en particulier, m'a toujours énervé. Malgré ces critiques objectives, je dois admettre que ce fut un tournant important de notre carrière, pas seulement en terme de succès commercial, mais aussi artistiquement. Les compos sont vraiment très fortes. " Learning to live " est une de nos meilleures chansons. " Metropolis : part 1 " est un de nos classiques, et " Pull me under " a eu un impact énorme. C'est le second plus grand moment de notre carrière.


YM : Vous attendiez-vous à un tel succès ?

MP : Chaque fois que nous faisons un album, nous pensons faire notre meilleur ! Nous savions qu'il avait le potentiel pour devenir ce qu'il est devenu, mais à ce stade de notre carrière, nous ne pouvions que fantasmer, car nous n'avions à cette époque connu que le succès relatif de When Dream And Day Unite, et nous ne pouvions qu' imaginer l'impact que pourrait avoir Images And Words. Le fait que ça se réalise était un rêve qui se matérialisait. Mais chaque fois que nous faisons un disque, nous sommes convaincus qu'il est meilleur que le précédent.


YM : Puis est venu Awake...

MP : Combien j'ai donné à Images and words ? 5... Bon, je mettrais donc 4,5 à Awake. C'est un disque très fort, et certainement l'un des mieux produits, l'un de ceux qui sonnent le mieux. C'était le premier disque que nous faisions après avoir connu un certain succès, en sachant qu'il y aurait des gens pour l'écouter, ce qui n'était pas le cas lorsque nous avions enregistré Images And Words. C'était également la première fois que nous composions un disque aussi rapidement. Nous avions eu eux ans pour écrire When Dream And Day Unite et le même laps de temps pour préparer Images and words. Là, nous avons mis 3 mois. Il marque aussi la fin de notre relation avec Kevin. La production est son point le plus fort.


YM : Et quel est le point le plus faible ?

MP : Je pense que " Space dye vest " n'aurait pas du être sur ce disque. Lorsque nous avons décidé de la mettre, nous ne savions pas que Kevin allait quitter le groupe. Nous trouvions que c'était une belle manière de finir un disque. Mais si nous avions su, nous l'aurions supprimé de l'album, car cette chanson est vraiment très personnelle. C'était un album très heavy, notamment grâce aux parties jouées par John à la guitare 7 cordes. J'adore la trilogie " Erotomania " / " Voices " / " The silent man ". Pour moi, c'est le point d'orgue de ce disque.


YM : Et nous avons oublié Live At The Marquee...

MP : Non, TU l'as oublié, moi non (rire). Il faut que j'écrive toutes ces notes, sinon je ne vais pas m'y retrouver. Il faut que je les classe les uns par rapport aux autres (il couche sur le papier les notes). Live at the marquee mérite ... euh (rires)... un autre 3,5.. Non... Si, en fait, 3,5. C'était juste une opportunité de sortir des titres du premier album avec James au chant. Maintenant que nous avons fait un vrai album live, je ne considère plus Live at the Marquee aussi bien. Mais à l'époque, c'était un bon témoignage de notre première tournée européenne. C'est le parfait pendant de notre vidéo Images and Words - Live in Tokyo. Ils vont ensemble. Ces deux objets résument l'époque Kevin.


YM : A Change Of Seasons ?

MP : 4.. Simplement car ce n'est pas vraiment un album studio...(devant ma perplexité) Suis-je trop critique ? J'essaie juste de trouver un équilibre. La chanson titre me tient particulièrement à cœur, car c'était ma première grande aventure en terme d'écriture de texte. Ce titre est très estimé des fans de DT, car c'est une très belle pièce, très intense, épique. Elle reflète vraiment ce que nous sommes. Les reprises sont fun. C'est donc un très bon souvenir, et nous avons essayé de faire d'une pierre deux coups, car nous savions que les gens voulaient vraiment entendre " A change of seasons ", et voulaient également avoir un témoignage de notre concert de reprises. C'était aussi notre premier disque avec Derek.


YM : Pourquoi ne pas avoir inclus "A change of seasons " sur Images and words ? Etait-ce parce qu'il était trop long ?

MP : A la base, " A change of seasons " devait effectivement figurer dessus. Nous devions même pré-produire ce titre avec David Prater. Mais le jour où nous sommes rentrés en studio, nous avons eu un coup de fil de Derek Oliver (NDSA : l'homme qui a découvert Dream Theater, et qui les a ensuite emmenés chez Elektra), qui a insisté pour que nous la supprimions du disque. A l'époque, je me suis battu contre cette décision, alors que rétrospectivement, je pense que Derek avait parfaitement raison. Je ne suis pas sûr que ce disque aurait eu autant de succès, autant d'impact, avec ce titre en plus. " A change of seasons " appartient à cet album en terme de composition, mais d'un autre côté, je suis content qu'il figure sur un autre disque, à part entière.


YM : Falling Into Infinity ?

MP : ... 4,5... Mais même s'ils ont la même note, je mettrais Awake un peu au dessus. C'est un disque fort, en terme de composition, sur lequel nous nous sommes autorisé un certain nombre de choses, avec des titres comme " Anna Lee " ou " Take away my pain ". Ce n'est pas le disque favori de nos fans, ni le mien, mais nous essayons toujours de nouvelles choses, plus commerciales ou plus progressives, peu importe à partir du moment où nous faisons quelque chose de neuf. Et sur Falling Into Infinity, c'est ce que nous avons fait, pour le meilleur ou pour le pire. J'adore la production, le fait que chaque chanson ait une production différente... A l'époque, je pensais que c'était notre meilleur disque, mais aujourd'hui, avec un peu de recul, je ne crois pas que ce soit le cas. C'était en tout cas un bon disque.


YM : Once In A Livetime ?

MP : C'est très dur !


YM : Je sais, et c'est pour ça que c'est intéressant ?

MP : ... c'est dur...


YM : Penses-tu que c'était une bonne idée de ne puiser que dans un seul show ?

MP : Nous avons enregistré deux concerts, Rotterdam et Paris. Notre idée initiale était de panacher les deux. Mais en fait, cela avait plus de sens de ne choisir que des morceaux tirés du concert de Paris. Ce disque a capturé l'esprit d'un soir, et son titre prend tout son sens. Ce qui me surprend le plus, c'est le public. C'est proprement incroyable que lorsque tu écoutes " Metropolis : part 1 " / " Learning to live " / "ACOS 7 ", tu entendes le public chanter aussi fort, après 3h30 de concert !C'était un public incroyable. Je me sens très chanceux d'avoir de tels fans. C'est une bonne représentation de cette tournée. C'était la dernière date en tête d'affiche, et le dernier show européen avec Derek. Encore une fois, je pense que ce CD et la vidéo 5 Years In A LIVEtime sont parfaitement complémentaires, et représentent bien cette période, l'ère Derek.


YM : Et la note ?

MP : Je dirais 4...


YM : Certaines personnes se sont plaintes du fait que vous n'aviez pas fait d'overdubs, notamment sur les vocaux....

MP : Oui, tout est live. Je suis surpris que les gens se plaignent, car James était dans un bon jour. James a ses bons jours et ses mauvais jours, et je trouve que c'était un bon jour. Alors si les fans critiquent cet enregistrement, je n'ose pas imaginer ce qu'ils pensent de certains bootlegs (rires).


YM : Metropolis pt 2: Scenes From A Memory ?

MP : Je dois lui mettre 6, car je pense que c'est notre chef d'œuvre, si je peux être assez prétentieux pour dire cela. C'est l'album qui nous représentera le mieux quand notre carrière sera finie. Les concept albums dont nous avons parlé au début représentent à mon avis le sommet de ces groupes, et je crois que nous sommes arrivés à ce point. Il y a des titres mélodiques, des titres très heavy, d'autres très progressifs. " The dance of eternity " est certainement le morceau le pus complexe que nous ayons jamais écrit. L'histoire, la production, les effets sonores, me donnent l'impression d'avoir fait un film. Et comme je suis un très grand fan de cinéma, j'éprouve une grande satisfaction, comme si j'avais réalisé un long métrage. Musicalement, artistiquement, c'était un disque super à faire. Je ne sais pas comment nous allons arriver à faire mieux que ça.


YM : C'était ma question suivante. Que pourrez vous faire après cela ?

MP : Nous ne ferons pas de nouveau concept, car nous en avons fait un et nous essayons de toujours nous renouveler. Le prochain disque sera intéressant, car ce sera la première fois que nous écrirons des chansons à part entière avec Jordan dans le groupe. Le challenge, ce sera ça. Mais nous n'essaierons pas de faire " Metropolis : part 3 ", ou un autre concept album (rires). Nous avons poussé ces idées à leur maximum. Ce disque est bien plus fort qu'Images and words !


YM : Il vous faudra ensuite changer de chanteur, de bassiste ou de guitariste...

MP : (rires) ou de batteur... J'espère que non. Nous avons le meilleur line up possible, sans aucun point faible. Je ne vois aucune raison de faire un autre changement un jour. Mais là encore, tout peut arriver.


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